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Charcuterie corse : La colère des producteurs AOP contre une IGP « scandaleuse » accordée aux industriels
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Charcuterie corse : La colère des producteurs AOP contre une IGP « scandaleuse » accordée aux industriels


Calvi

Par

Le 25 Avril 2018


- Pourquoi montez-vous au créneau aujourd’hui ?
- Nous montons au créneau par rapport à la demande d’IGP (Indication géographique protégée) des salaisonniers sous le nom « Ile de Beauté ». Cela portera préjudice à court, moyen et long terme à tous les produits AOP (Appellation d’origine protégée), à toute cette démarche de qualité que nous avons pu obtenir et mettre en place. Cela portera, aussi, préjudice à tout le reste de la filière porcine. Si l’on donne un label de qualité à des produits industriels, on se demande ce que vont devenir les autres produits, que ce soit les produits fermiers ou les produits AOP !

- Le label AOP concerne-t-il l’ensemble de la filière porcine ?
- Non ! Le label n’existe que sur trois produits : la coppa, le lonzu et le prisuttu. Il est en cours d’obtention sur le saucisson sec. Nous enregistrons, cette année, la quatrième campagne de transformation sous l’appellation « AOP salameria corsa ». Nous avons travaillé pendant pratiquement une quinzaine d’années pour l’obtenir. Les produits AOP sont issus de porcs de race nustrale, donc de race corse, qui sont nés, élevés et abattus en Corse, nourris aux céréales, puis à la châtaigne et au gland. Ils répondent à des critères de qualité bien précis avec des contraintes très strictes au niveau du cahier des charges qui est très exigeant et très pointilleux. Il est même draconien ! Avoir le label AOP demande beaucoup de travail, mais c’est ce qu’on fait de mieux au niveau qualité.

- Etes-vous opposés à la mise en place d’une IGP ?
- Non ! Nous ne sommes pas opposés à la mise en place de l’IGP. La certification IGP, qui répond à moins de contraintes que le label AOP, peut être donnée à des produits fermiers, toujours issus d’animaux qui sont nés, élevés et abattus en Corse. Une demande a été faite par un groupe de salaisonniers. Ces transformateurs agroalimentaires voulaient un signe de qualité pour leurs produits qui sont transformés en Corse à base de porcs provenant de l’Union européenne. Nous nous demandons comment on peut obtenir une IGP avec un cahier des charges aussi faible !

- C’est-à-dire ? Que contient ce cahier des charges ?
- Rien ! Juste la provenance des animaux ! Le cahier des charges n’exige rien concernant la qualité et l’origine de la matière première utilisée, pas plus sur les caractéristiques des produits finis. Il est quasiment vide ! Alors que celui de l’AOP nous demande une transparence totale de la naissance des porcs jusqu’à l’abattage. Tout doit être carré au niveau de la traçabilité. C’est normal sans quoi on n’arriverait pas à faire des produits de qualité. Pour avoir des produits sous label IGP, il faut quand même un signe de qualité ! La moindre des choses est de produire des porcs locaux, qu’ils soient de race nustrale ou pas, que la production soit fermière, mais de qualité !
- Est-ce pour cela que vous criez au scandale ?
- Oui ! A l’époque, lorsque nous avions demandé la certification, l’INAO (Institut national de l'origine et de la qualité) nous avait répondu que pour obtenir une IGP, il fallait des produits de qualité. Sans quoi l’IGP ne verrait jamais le jour ! L’INAO avait même déconseillé à des producteurs fermiers de demander l’IGP parce que leurs animaux, nés et élevés en Corse, n’étaient pas de race locale. Quelques années plus tard, il donne une IGP à des produits transformés qui arrivent d’on ne sait où ! Les industriels font venir de la viande déjà prête qu’il faut juste transformer. Ce ne sont même pas des carcasses qui arrivent, mais des pièces entières fraiches, des coppa et des lonzi prêts à mettre au sel ! Nous ne voyons pas où est la qualité ! Nous ne comprenons pas comment on peut obtenir une IGP avec ce type de produits !

- Avez-vous protesté auprès de l’INAO ?
- Oui ! Au travers de la procédure nationale d’opposition prévue par la loi, nous avons fait part à la Commission d’enquête de notre opposition et de nos craintes. Nous avons argumenté sur tout ce qui, selon nous, allait ou n’allait pas et la manière dont il fallait avancer. Nous pensions que si on nous demandait de nous exprimer, c’était pour asseoir la filière sur une base saine. Nous n’avons jamais eu aucune réponse ! Que l’on ait parlé ou pas, c’était pareil ! L’INAO n’en a pas tenu compte !

- Pourquoi dénoncez-vous la dénomination de l’IGP ?
- Nous sommes contre le nom « IGP Ile de Beauté » demandé par les salaisonniers. Le label AOP protège le nom et l’origine « Corse » des produits de charcuterie traditionnelle et la Testa mora. L’Ile de Beauté, ce n’est, ni plus, ni moins, la Corse ! Dire « IGP Ile de Beauté » ou « IGP charcuterie corse », c’est quasiment la même chose, c’est le même territoire ! C’est ambigu et trompeur pour les gens ! Que ce soit le mot Corse, le logo Corse ou la Testa mora, les salaisonniers n’ont pas le droit, depuis des années, de les apposer sur leurs étiquettes, mais ils le font ! L’étiquetage des produits industriels est illégal et toléré par l’INAO !

- Comment expliquez-vous cette tolérance ?
- On ne sait pas ! Les industriels avaient cinq ans pour changer leur étiquetage, ils ne l’ont pas fait ! C’était à la Répression des fraudes et à l’INAO de contrôler, rien n’a été fait ! Nous faisons tous les jours des constats de mauvais étiquetage. Nous ne comprenons pas pourquoi ça fonctionne comme ça, alors qu’au niveau de l’AOP, les contrôles sont très stricts. La Répression des fraudes et l’INAO n’hésitent pas une seule seconde à venir nous faire des remarques et nous dire ce qui ne va pas !
Pour vous, il y a, donc, deux poids, deux mesures ?
- Exactement ! On ne peut pas mettre sur le même plan les trois produits : AOP, fermier et industriel. Ce n’est pas possible ! Il y a trop de différences ! C’est une imposture pour le consommateur ! En AOP, le travail est fait, le produit est de qualité, la traçabilité est complète, les contrôles sont stricts en interne comme en externe. En interne, on fait une dégustation avec des techniciens et des éleveurs pour valider si le produit est conforme ou pas. S’il est conforme, il part sur le continent chez Certipaq pour subir toutes les autres analyses organoleptiques qui sont complexes. Il n’y a rien de tout ça pour les autres produits ! En plus, l’AOP, c’est toute une économie ! Les enjeux sont importants. L’élevage de race nustrale donne l’opportunité aux producteurs de vivre dans l’intérieur de la Corse, d’élever leur famille, de faire vivre les commerces alentour, de développer un territoire, de garder des savoir-faire…

- Quels sont les enjeux pour la filière porcine ?
- Les enjeux sont, d’abord, économiques. Le label AOP coûte cher aux producteurs et aux éleveurs, il coûte cher, à la fois, en termes d’argent et de travail. La production a une saisonnalité très stricte. L’IGP peut permettre aux producteurs AOP ou aux producteurs fermiers d’étendre leurs transformations sur une durée plus longue. Au lieu de commencer en décembre comme ils le font généralement, ils pourraient, s’ils s’équipent correctement, commencer en octobre et finir fin avril. Cela permettrait de développer un outil économique pour la filière porcine. Donner une IGP à des produits industriels, c’est développer la filière agroalimentaire et mettre de côté tous ceux qui travaillent dans la filière agricole et dans le rural. Tous ces gens, que vont-ils devenir ?

- Craignez-vous que cette IGP remette en cause la filière agricole ?
- Oui ! Elever un porc, l’emmener à l’abattage, le transformer et le vendre, ça coûte entre 3,50 € et 4 € le kilo. Acheter une tonne de viande qui arrive d’ailleurs, ça coûte 1,50 €, 2 € ou 2,50 € le kilo, ce n’est pas du tout la même chose ! Les coûts ne sont pas les mêmes. La charge de travail, non plus. Elever un porc, c’est non stop du matin au soir, 365 jours par an, alors que les industriels font rentrer la viande à la dernière minute. S’ajoutent, pour les producteurs AOP, le coût de l’amélioration des exploitations et des structures de transformation. C’est le jour et la nuit ! Au final, les produits industriels sont vendus 10 € et les produits AOP, 40 € quand les producteurs arrivent à les valoriser et à l’expliquer à leurs clients ! Quand on voit ce que représente l’installation d’une exploitation agricole, cette IGP peut, aussi, remettre en cause l’installation des jeunes.

- Qu’allez-vous faire maintenant ?
- Nous allons nous organiser sur le plan régional pour porter le problème. Il faut que les gens se rassemblent parce que l’enjeu est important. Les élus suivent la démarche. Nous rencontrerons le ministre quand il viendra en Corse et nous espérons qu’il ne signera pas le décret. Ensuite, nous discuterons avec tous les acteurs sans se jeter la pierre. Nous ne sommes pas là juste pour critiquer, mais pour essayer de construire une solution acceptable pour tous, aussi bien pour les salaisonniers que pour les producteurs fermiers et les producteurs AOP. Nous voulons construire ce pays correctement, en discutant, comme des personnes sensées. Jusqu’à présent, cela n’a pas été fait !

Propos recueillis par Nicole MARI.
 



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