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I Palazzi di l'Americani : Plus qu’une exposition, un pan fascinant de l’histoire du Cap Corse !
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I Palazzi di l'Americani : Plus qu’une exposition, un pan fascinant de l’histoire du Cap Corse !


Calvi

Par

Le 30 Août 2017


- D’où vous est venue l’idée de monter une exposition sur les maisons d’Américains du Cap Corse ?
- Déjà, je suis Cap-corsin d’origine. Les maisons d’Américains ont bercé mon enfance. Elles ponctuent le paysage et sont, pour le Nord de la Corse, un marqueur aussi important que les églises baroques ou les tours génoises. Le phénomène de ces familles, qui ont fait fortune aux Amériques et sont ensuite revenues s’installer dans l’île, ne touche pas que le Cap Corse. L’exposition et le catalogue permettent justement de montrer que ce phénomène se retrouve, aussi, dans une moindre mesure, en Balagne et en Castagniccia. Ce fut un plaisir pour les commissaires de l’exposition de creuser le sujet et de revisiter ce que l’on savait sur ces maisons-là.

- Ce sujet ne dépasse-t-il pas le cadre du patrimoine pour toucher à l’histoire ?
- Oui ! Il touche à l’histoire, à l’ethnographie, au mode et au cadre de vie des notables et, à travers les familles des notables, à tout un village. Ces maisons d’Américains avaient une domesticité importante - les gens du village y travaillaient -, elles accueillaient les amis des enfants de la famille… C’étaient des maisons ouvertes qui permettaient à tout un village d’avoir accès à des choses comme le phonographe, les premiers chauffages électriques, les premiers ventilateurs… des objets d’origine américaine, mais avec des prises conçues pour le marché européen. L’exposition montre un ventilateur des années 20, un chauffage électrique et une radio des années 30… et une télévision des années 50 !

- Etait-ce les premières télévisions ?
- Oui ! Les premières à arriver dans les villages de Corse. Imaginez que, dans les années 50, tout le village venait défiler pour voir l’objet bizarre qui diffusait des images animées… Ces maisons-là ont introduit la modernité à l’intérieur des villages, elles ont été des lieux de diffusion.

- Ne sont-elles pas aussi, paradoxalement, le témoignage de la pauvreté de l’île puisque des Corses étaient obligés de s’exiler pour travailler et s’enrichir ?
- Il y a tous les cas de figure. Parmi les Corses qui sont partis aux Amériques, certains étaient déjà riches et notables. L’exposition et le catalogue démontrent que c’est un phénomène qui remonte au 16ème siècle et qui obéit à une tradition pluriséculaire. Les Corses ont traversé, par centaines, l’océan aux 16ème, 17ème et 18ème siècles. Ces notables sont partis pour rejoindre un oncle qui était déjà là-bas, possédait des plantations ou une entreprise qui marchait bien. On voit parfois partir des fratries entières. Par exemple, un Raffalli de Castagniccia part à Carupano au Venezuela, et fait venir ses sept frères. Des chemins se font et drainent une partie de cette population jeune qui revient, ensuite, avec des moyens financiers décuplés.

- Ces maisons fascinent-elles toujours ?
- Oui ! C’est un sujet fascinant ! C’est un plaisir de pouvoir, aujourd’hui, satisfaire la curiosité des gens qui traversent ces villages de Corse et voient ces grandes belles maisons avec des volets souvent fermés. La plupart du temps, elles n’ouvrent que quelques mois d’été. L’exposition ouvre les portes et montre ce qui se cache derrière ces façades. C’est assez étonnant et plaisant, cela donne un autre regard sur la société et sur l’histoire corses.
- Cette exposition a-t-elle été facile à monter ? Combien de temps, cela a-t-il pris ?
- Cela a pris huit mois pour monter l’exposition et écrire le catalogue, mais, en réalité, cela fait 25 ans que Jean-Christophe Liccia et moi-même étudions le sujet. Je suis un fou de peinture et de plafonds peints. J’ai visité toutes ces maisons parce que je me documentais sur les peintres, je me suis intéressé aux plafonds peints, aux portraits de famille… J’ai rencontré beaucoup d’héritiers de ces familles-là, des liens d’amitié se sont tissés depuis des décennies. Progressivement, on m’a ouvert des placards, des secrétaires et des commodes… j’ai vu des objets. Quand il s’est agi de monter cette exposition, je n’ai eu qu’à ouvrir mon carnet d’adresses et aller toquer chez les bonnes personnes qui m’ont très gentiment ouvert les portes de leurs maisons. Nous sommes plusieurs co-auteurs : il y a, aussi, Caroline Paoli, Jean-Baptiste Canarelli, Audrey Giuliani…

- Quelles périodes avez-vous privilégiées ?
- L’exposition parcourt cinq siècles. Jusqu’à présent, on ne connaissait les Corses américains que sur une période, celle du 19è siècle où il y a eu toute cette explosion architecturale. On a beaucoup construit des édifices aisément identifiables et repérables dans le paysage : des bâtiments souvent cubiques, d’un format très différent de celui des petites maisons de village, des façades ornementées avec des frontons, des fronteaux, des pilastres, des corniches… qui ont nécessité une vraie réflexion d’architecte.

- Combien de maisons avez-vous décidé de présenter ? Le choix a-t-il été difficile à faire ?
- Oui ! J’ai visité, personnellement, plus d’une centaine de maisons. Nous avons choisi des exemples représentatifs. Si nous avions travaillé plus longtemps et si le musée avait été trois fois plus grand, nous n’aurions, finalement, rien dit de plus parce qu’on retombe finalement sur les mêmes standards, les mêmes objets. L’exposition présente, par exemple, des tabliers de francs-maçons de la première moitié du 19ème siècle qui sont des objets extrêmement rares. Ils appartiennent à la famille Gaspari, mais c’est un cas de figure que l’on retrouve dans beaucoup d’autres familles. De nombreux Corses américains sont entrés dans des loges maçonniques au Venezuela ou à Porto-Rico et ont continué à leur retour en intégrant des loges bastiaises ou autres.

- Y-a-t-il des caractéristiques que l’on retrouve dans toutes ces maisons et qui font dire : c’est une maison d’Américain ?
- Oui ! Tout à fait ! A l’intérieur, on retrouve le même type de destin ! L’exposition montre, à travers le cas symbolique de la famille Raffalli, les mauvaises affaires financières dues aux emprunts russes, ces fameux emprunts qui ont fait couler des fortunes entières ! C’est, aussi, un cas de figure que l’on retrouve chez les Corses enrichis aux Amériques qui ont été nombreux à placer leur argent dans des emprunts russes et nombreux à y perdre des sommes colossales !
- Est-ce la raison majeure pour laquelle beaucoup de ces fortunes se sont effondrées, les maisons vendues ou parfois même abandonnées ?
- Il y a différents cas de figures. Certaines familles sont toujours des notables et ont toujours des intérêts financiers à Porto-Rico. D’autres sont souvent parties parce que les nouvelles générations ont été éduquées dans les universités du continent et ont trouvé des emplois à Paris, Lyon, Marseille ou Nice… C’est pour cela que ces maisons ne sont souvent ouvertes que l’été. Il y a eu aussi des flambeurs. Par exemple Pio Cerani qui a fait fortune au moins trois fois au Venezuela et qui a mené une vie de flambeur dans les casinos de la Côte d’Azur ! C’est un cas flamboyant, mais il y en a d’autres.

- Y-a-t-il un risque de voir ce patrimoine péricliter ou disparaître ?
- J’espère que cette exposition permettra de jeter un coup de projecteur sur ce patrimoine. Des bêtises ont été faites dans les années 70-80 en cimentant les façades, en restaurant de façon maladroite… Je crois que ce genre de choses ne peut plus arriver aujourd’hui parce que les maçons insulaires ont retrouvé une technique plus satisfaisante. Les gens massacrent moins les façades et apportent un peu plus d’intérêt au patrimoine mobilier. Ils ne jettent plus, comme ce fut le cas dans le passé, des archives, du mobilier ancien ou des vêtements du siècle dernier. Ils savent, désormais, que tout cela a, certes, une valeur marchande, mais surtout une valeur historique qui dépasse l’intérêt de leur propre famille et touche à l’intérêt d’une communauté, d’un village et de la Corse entière.

- C’est grâce à vous si le château Stopielle a été sauvé. De toutes les maisons des Américains, quelle est celle qui, pour vous, est la plus importante ?
- Sans aucune hésitation : Stopielle ! C’est la seule maison, que je connaisse, où il y ait trois plafonds qui racontent les Amériques. Les autres maisons ont un seul plafond peint : soit celui du grand salon, soit celui du vestibule d’entrée… A Stopielle, sur le plafond de la bibliothèque est peint un médaillon avec Christophe Colomb : c’est tout à fait unique dans l’île ! Je n’en ai jamais vu ailleurs. Dans le vestibule d’entrée, sont peintes les armoiries du Mexique et des Etats-Unis. Dans le grand salon, est représentée l’allégorie de l’Amérique sous la forme d’une Indienne vêtue de plumes. Cette concentration de messages américains sur les plafonds d’une seule maison est absolument unique !

- Quel est l’objet le plus marquant de tous ceux que vous avez récoltés ?
- Ce qui m’a le plus touché, c’est la garde-robe de Francisca Fantauzzi. Cette jeune fille ravissante est née à Porto-Rico d’une famille portoricaine, a été envoyée à Paris au couvent des oiseaux pour étudier le français, avant d’être mariée à un Capcorsin, Mathieu Fantauzzi de Morsiglia. Elle a partagé sa vie entre le continent et Morsiglia, a eu deux enfants et est morte trop jeune à 22 ans. Son mari, inconsolable, a gardé toute la garde-robe de sa femme. L’exposition montre trois robes, trois chapeaux, une ombrelle et ce qu’on appelle un faux-cul, c’est-à-dire une tournure, une sorte de jupon qui s’attachait sur les fesses pour faire gonfler les jupes à l’arrière, comme c’était la mode dans les années 1870-1880. Ce faux-cul a été pieusement conservé par la famille jusqu’à nos jours et est, pour la première fois, exposé au public. Je pense qu’il intéressera beaucoup de gens qui se posent la question sur ces silhouettes féminines si rembourrées par l’arrière. L’exposition de ce faux-cul révèle, ainsi, le secret de ces bouillonnés de dentelle et des croupes arrondies du 19è siècle.

- Cette exposition n’est visiblement qu’un prélude. Qu’y aura-t-il d’autre sur le sujet ?
- C’est un sujet magnifique. Le catalogue est superbe ! Le professeur d'architecture, Enrique Vivoni-Farage, de l'université de Porto Rico, qui travaille depuis longtemps sur ce sujet, a réalisé de nombreuses maquettes avec ses étudiants portoricains. Il a l’intention de publier un énorme ouvrage sur la typologie de ces maisons avec les plans, les coupes, les dessins, les élévations… Nous attendons cet ouvrage avec impatience. Ces nombreuses maquettes pourraient être accueillies dans le château Stopielle, qui deviendrait, ainsi, un lieu incontournable de présentation du patrimoine insulaire.
 



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