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Jean-Christophe Angelini : « Il n’y a pas de place pour un retour en arrière, l’Etat doit cesser de faire la sourde oreille ! »
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Jean-Christophe Angelini : « Il n’y a pas de place pour un retour en arrière, l’Etat doit cesser de faire la sourde oreille ! »


Calvi

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Le 15 Janvier 2018


- Que vous inspire l’annonce surprise de la ministre Jacqueline Gourault proposant l’inscription de la Corse dans la Constitution ?
- L’inscription de la Corse dans la Constitution a donné lieu à des centaines de débats, à des délibérations de l’Assemblée de Corse et, surtout, a été validée, en décembre dernier, par des dizaines de milliers d’électeurs qui ont donné, à notre liste, une majorité absolue. Elle a, aussi, été au cœur de la campagne de nos candidats aux législatives dont trois sont devenus députés. Elle relève, désormais, d’un fait majoritaire et d’une exigence démocratique avérée. Elle est, aujourd’hui, mise en perspective et envisagée par le gouvernement dans un cadre qui paraît pour le moins réducteur.

- C’est-à-dire ?
- Dès lors qu’elle l’évoque, Mme Gourault s’empresse, en même temps, de dire que cette inscription ne pourra concerner, ni la coofficialité, ni les aspects fondamentaux de nos revendications. La ministre parle de droit à la différenciation, pas davantage ! S’il s’agit, encore, une fois, de considérer la Corse comme le laboratoire d’une nouvelle étape de la décentralisation, nous y sommes farouchement opposés !

- Pourquoi ?
- La Corse mérite un traitement particulier, une évolution institutionnelle spécifique que le droit à la différenciation, tel que formulé, ne peut suffire à soutenir. Nous demandons clairement une solution politique globale, une réforme de la Constitution qui s’articule autour de nos fondamentaux, notamment la coofficialité, le statut de résident, le statut fiscal et social en matière économique, et, bien sûr, l’amnistie. Tout ceci doit participer d’un dialogue sur l’autonomie qui est, pour notre majorité, l’objectif des trois prochaines années. Un objectif que nous comptons affiner et déployer durant les sept années suivantes. Ce que nous demandons, ce n’est pas l’indépendance, ce n’est pas un référendum d’autodétermination à court terme, mais un statut d’autonomie pour dix ans.

- Le flot de paroles, qui arrive de Paris, met la Corse très loin du statut d’autonomie. N’êtes-vous pas inquiets ?
- Nous sommes, à la fois, inquiets et vigilants. Inquiets, parce que nous ne comprenons pas qu’après les élections de 2015, de trois députés sur quatre en juin 2017 et d’une majorité absolue en décembre dernier, le gouvernement continue de faire la sourde oreille ! Vigilants, pour ne pas dire dynamiques, parce que nous ne nous résignons pas ! Nous voulons rester optimistes, nous sommes persuadés que le fait démocratique finira par l’emporter. Il y aura bien un moment où le gouvernement et l’Etat devront prendre la mesure de ce que nous proposons. Nous savons qu’au-delà des rencontres dans les jours qui viennent, il y aura l’ouverture d’un processus de négociations parce que c’est le sens de l’histoire. Paris peut différer, délayer, perdre du temps, mais l’issue, pour nous, est certaine. Nous devons nous y préparer. Différer le règlement politique de la question corse, c’est s’exposer collectivement à de nouvelles vicissitudes. Et cela, personne n’y a intérêt !

- Qu’entendez-vous par là ?
- La jeunesse, le mouvement national, le peuple corse n’accepteront pas que l’on revienne en arrière. Ce n’est pas un chantage, ni une volonté d’intimidation quelconque. Je le dis clairement : il n’y a pas de place pour un retour à la violence et à la clandestinité, mais il n’y a pas de place, non plus, pour un retour en arrière ! En même temps, on ne peut pas se contenter de pareilles annonces ministérielles ! Entre le rapport de forces passé et la résignation que l’on pourrait nous prêter, le chemin est clair et évident : c’est celui du travail, de la mobilisation et, je l’espère, de la négociation pacifique et démocratique avec un Etat qui devra cesser de faire la sourde oreille.
« Paris fait preuve d’attentisme. C’est l’inconnu ! »
- Comment appréciez-vous la réponse de Mme Gourault prônant les vertus pédagogiques à l’endroit des Corses qu’elle compare à des enfants ?
- Ces propos sont tendancieux, maladroits, pour ne pas dire méprisants. S’y ajoute un certain nombre d’autres propos qui s’inscrivent dans la même veine, des ambiguïtés concernant la loi Littoral et l’aménagement du territoire… Politiquement, tout ceci n’est pas de bon augure. Il convient maintenant de préciser les choses. Paris fait preuve d’attentisme, en attendant peut-être un nouveau cadre d’intervention au lendemain des rencontres des 2 janvier et du 6 février. C’est l’inconnu !

- La question des prisonniers politiques et l’amnistie restent un point de clivage sérieux avec l’Etat. Que pensez-vous des annonces timides de prétendu rapprochement ?
- Pour l’instant, on ne voit rien venir de particulier ! Nous avons rappelé, à maintes reprises, que ces rapprochements, une partie au moins, avaient été promis par François Hollande d’abord, par Emmanuel Macron ensuite, et par l’actuel gouvernement aujourd’hui. Ils n’interviennent toujours pas ! Tout ceci est très grave ! On est dans un déni de démocratie, dans un parjure permanent ! Il importe désormais, d’une part, de rapprocher sans délai tous les prisonniers politiques concernés par ces engagements, et, d’autre part, de poser, pour eux et pour la Corse, un cadre de dialogue permettant un règlement global et une amnistie. Il reste une vingtaine de prisonniers politiques. On est loin de l’Irlande, du Pays-Basque et de leurs milliers de prisonniers politiques concernés par les processus de l’époque. Dans tous les pays où pareil conflit s’est déroulé, il y a eu des mesures d’amnistie. La Corse, elle-même, en a connu un certain nombre dans les années 80 notamment, l’Assemblée de Corse a voté l’amnistie à une large majorité. Le gouvernement et l’Etat doivent en prendre la mesure, appliquer les promesses qu’ils ont, eux-mêmes, consenties, et envisager dans un cadre global, qui n’est pas déconnecté de la négociation politique, des mesures plus fortes.

- Le président Macron a choisi la date anniversaire du meurtre du préfet Erignac pour sa première visite en Corse. N’envoie-t-il pas, de ce fait, un signal très négatif ?
- Ce n’est pas forcément inquiétant en soi ! Cette date n’est pas intrinsèquement problématique, elle pourrait même ouvrir d’autres perspectives. Venir le 6 février peut aussi inscrire le dialogue dans un processus de réconciliation et d’apaisement durable. Ce qui est problématique, c’est qu’à quelques semaines de cette date, à quelques jours de la rencontre avec Edouard Philippe ou Gérard Larcher, nous entendons des propos au fil de l’eau, relevant tous d’une volonté manifeste de ne pas aller très loin. Nous n’avons aucune espèce de précision et de préparation de ce dialogue. Nous en prenons acte, mais nous disons fortement à l’Etat que nous ne pouvons pas bénéficier d’un élan populaire aussi considérable pour bavarder pendant des mois sur des questions annexes !

- Que ferez-vous si le gouvernement joue la montre ?
- Nous serons contraints de nous déployer sur deux plans. Le premier se situe au niveau de la majorité territoriale qui devra prendre des initiatives qui restent à débattre et peuvent être de toute nature. Je rappelle qu’avec l’Assemblée, elle a souhaité mettre en œuvre, à côté de la Commission des compétences législatives et règlementaires, une Commission destinée à approfondir le statut d’autonomie. Le second plan concerne les mouvements constitutifs de cette majorité qui sont, pour l’instant et je le regrette, un soutien à la majorité, plutôt que des structures autonomes et actives. Femu a Corsica et le mouvement national doivent adopter une ligne politique ferme et collégiale, mais, en même temps, s’emparer du débat et prendre des initiatives à côté de la majorité territoriale, et pas uniquement en son sein. Par exemple, organiser des manifestations populaires, des actions pacifiques de terrain… Nous l’avons fait durant des décennies. Si la situation était durablement bloquée, nous n’hésiterions pas, dans la concertation et la démocratie, à recommencer.
« Il faut réinventer un modèle de gestion administrative et politique »

- Au-delà des relations avec l’Etat, quel est, selon vous, le principal écueil à éviter pendant cette mandature ?
- Il concerne la capacité de la majorité à assurer la montée en charge de l’outil Collectivité unique. C’est un défi majeur qui concerne 5000 agents répartis en tous points du territoire, un budget de 1,3 milliard € et la mise en œuvre des politiques publiques. L’écueil serait un fonctionnement trop technocratique qui ferait la part belle aux logiques héritées du passé au lieu de chercher à innover et à emprunter des chemins différents. La collectivité nouvelle ne peut pas se résumer à mettre en œuvre les fonctionnements cumulés des trois collectivités, elle doit réinventer un modèle de gestion administrative et politique qui transcende les clivages et met en perspective une administration nationale corse au profit de l’intérêt général. Les Corses attendent de nous, ni incantation, ni effet d’annonce, mais des résultats ! Il y a une dizaine de priorités que l’on doit clairement lister.

- Justement, en dehors de la question constitutionnelle, quelle est, pour vous, l’absolue priorité ?
- Le combat contre la précarité ! La dernière émission du Dr Pernin a mis en lumière des phénomènes que nous connaissons bien. Nous avons déjà fait adopter un rapport qui a permis d’institutionnaliser une logique de combat contre la précarité et la pauvreté. Nous devons, maintenant, la mettre en œuvre à l’aune des compétences que nous donnent la fusion des trois collectivités en matière de politique sociale. Au niveau des deux départements, le social représente une enveloppe de 60 millions € par an. Ce sont des budgets, des ressources humaines et des moyens colossaux que nous conjuguerons à ceux dont la région disposait, et que nous mettrons en synergie avec tous ceux qui existent déjà au plan public et parapublic. Notre objectif est de constituer une force de frappe, une politique offensive, une dynamique de lutte dans une île où près de 100 000 personnes sont en situation de précarité ou de pauvreté.

- Quelles autres priorités avez-vous listées ?
- L’emploi, les déchets, l’énergie, l’agriculture, l’aménagement du territoire, l’entreprise, l’addition de la langue et de la culture… Sur cette petite dizaine de priorités, nous devons, dans les trois années de mandature, obtenir des résultats. Ma crainte est que nous soyons accaparés par la réussite de la nouvelle collectivité en tant qu’outil et que nous délaissions les politiques publiques pour lesquelles nous avons été élus. Nous devons faire confiance à l’administration territoriale qui est en train de se créer, mais cette culture du résultat me paraît fondamental.

- Si la Corse n’obtient pas l’autonomie ou un statut fiscal, aurez-vous, à cadre constant, les moyens d’obtenir de vrais résultats ?
- Nous n’aurons pas les moyens de réussir fondamentalement ! Mais, si nous ne pouvons pas tout résoudre dans le cadre actuel, - nous l’avons amplement démontré -, nous pouvons néanmoins obtenir des résultats dans un certain nombre de domaines. On ne peut pas attendre, les bras ballants, l’autonomie au prétexte que son absence ne nous permet pas d’aller assez loin. Il faut engager un mouvement qu’elle amplifiera. De toute façon, les résultats de demain ou d’après-demain prépareront l’autonomie ! C’est ce que les Corses attendent ! Même s’ils sont convaincus que les résultats les plus fondamentaux interviendront dès lors que la Collectivité de Corse bénéficiera d’un pouvoir législatif et règlementaire de plein droit, et d’un statut fiscal qui sont les premiers attributs de l’autonomie que nous avons voulu prioriser dans le cadre de notre contrat de mandature.
Des premières mesures avant l’été pour l’activité et l’emploi en cœur de ville.

- En tant que président de l’ADEC et de l’Office foncier, quelle est votre feuille de route ?
- Elle est double. D’abord, aller au bout de toutes mes prérogatives, multiplier les initiatives à un rythme très soutenu pour la croissance qui est en train de reprendre, pour l’emploi qui reste préoccupant, pour l’innovation, le financement de l’économie, le combat contre la précarité… Ce sont des sujets fondamentaux sur lesquels, à l’ADEC, nous travaillons quotidiennement et d’arrache pied. Ensuite, négocier, avec l’ensemble de la majorité, un statut fiscal et social. Nous avons besoin d’une évolution forte et d’une réforme constitutionnelle en matière de zones franches rurales ou urbaines, de CDI du saisonnier, d’allègement des cotisations fiscales et sociales, ainsi que des surcoûts au niveau des transports…

- Quelle est votre position concernant l’implantation de centres commerciaux démesurés en périphérie urbaine ?
- Ma position rejoint celle de la majorité territoriale, nous l’avons exprimée à maintes reprises. Ce type d’urbanisme et d’aménagement commercial n’est pas du tout notre modèle de société ! Certes des emplois sont créés et des activités sont générées, mais, à très grande échelle, sur l’ensemble du territoire et à un rythme aussi soutenu, ça peut être une catastrophe ! C’est la raison pour laquelle il faut, aujourd’hui, apporter des réponses à l’activité économique de proximité, aux commerçants aussi bien en centre-ville que dans les zones rurales, et développer une économie de production qui favorise l’éclosion de TPE et de PME capables de répondre aux besoins du marché qu’il soit intérieur ou extérieur. Tout ceci n’est pas compatible avec la multiplication des grandes surfaces à perte de vue.

- Les grandes surfaces importent la quasi-totalité des produits. Est-ce dans ce sens que vous parlez de développer une économie de production ?
- Exactement ! En dehors de niches très rares, notre île subit une importation massive de l’ensemble des produits qui y sont commercialisés. C’est un fait relativement ancien, même si au début du 20ème siècle, la Corse était résolument une terre de production. Aujourd’hui, par terre de production, il faut aussi entendre terre d’innovation. A côté de productions dans le domaine de l’agriculture, l’artisanat et l’industrie, nous devons produire dans le domaine de l’innovation, du numérique, du digital, de l’immatériel… Nous avons fixé collectivement avec le PADDUC (Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse) un horizon d’autonomie alimentaire d’ici à deux ou trois décennies. Si nous voulons l’atteindre, nous devons reconfigurer l’ensemble de notre tissu économique et arrêter de prendre des décisions qui sanctuarisent l’économie de la rente. C’est fondamental !

- Quelles mesures comptez-vous prendre pour aider le commerce de proximité ?
- Nous avons, à l’ADEC, engagé une réflexion très poussée sur le devenir de notre tissu économique au moment où les grandes enseignes s’implantent à un rythme très soutenu, où l’urbanisme commercial inquiète avec raison des dizaines de milliers de Corses, et où se développe, comme partout ailleurs en Europe et dans le monde, une économie de franchise. A notre demande, l’Assemblée de Corse a voté les mesures « Prossima » qui favorisent l’initiative en centre ville pour les commerces de proximité. Nous avons engagé, au Conseil exécutif, une première réunion de travail avec les commerçants d’Aiacciu, via les principales structures associatives. Une nouvelle réunion est prévue cette semaine pour expérimenter un certain nombre de mesures au sein du cœur de ville ajaccien qui est impacté par les phénomènes que je viens de décrire. L’idée est de déployer les premières mesures Prossima pour l’activité et l’emploi en cœur de ville avant l’été.

Propos recueillis par Nicole MARI.
 



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